jeudi 14 février 2008

De mères en filles

Ma mère était dans la cuisine occupée à préparer le dîner pour toute la famille et j'avais pris la décision de l'aider un peu dans sa tâche. En fait je guettais le meilleur moment pour négocier avec elle le droit de regarder la télévision un peu plus tard que d'habitude.
J'avais neuf ans.
Je commençais par lui parler de l'école et des bonnes notes que j'accumulais. J'espérais l'inciter d'elle même à me récompenser.
Je n'ai eu en retour que ces mots: "Fais attention aux garçons, ils peuvent être très méchant" avant de recevoir l'ordre de mettre la table.
Je n'avais pas saisie à ce moment la pertinence de sa mise en garde, je pensais tout simplement qu'elle cherchait à changer de sujet pour ne pas avoir à marchander avec moi.
Surtout qu'à l'époque, si un garçon avait le malheur de me chercher, je le plaquais au sol et lui tordait le bras pour le forcer à me faire des excuses.
Autant dire que je n'ai pas pris ma mère au sérieux.

Depuis, je n'ai pas rencontré une fille qui n'avait pas son histoire, celle qui nous rallie sous la même bannière, et qui donne toute sa valeur à l'avertissement de ma mère. L'histoire du jour où elle s'est fait maltraiter par un homme, l'histoire:

De mon amie Christine, qui s'est faite taper dessus par son compagnon, parce qu'il ne supportait plus de vivre à ses crochets et de se sentir si minable à coté d'elle.

De mon amie Julie, qui s'est faite violer, taper et menacer par son amant et ses amis parce que selon lui, elle aimait un peu trop le sexe et que c'était normal de la traiter comme une chienne.

De mon amie Laetitia qui s'est vu imposer une sodomie, jusqu'au sang et jusqu'aux pleurs, par son petit ami pour qu'il ait quelque chose à raconter à ses potes le lendemain.

De mon amie Gina, qui s'est faite violée par son cousin à l'âge de douze ans, parce qu'elle était déjà très belle et qu'il voulait à tout prix s'octroyer le privilège de la déflorer.

De mon amie Claire, qui a du subir toute son enfance les avances de son beau-père.

De mon amie Olivia, qui est revenue transformée de ses vacances à Londres, parce q'un soir deux hommes qui l'ont raccompagné , ceux sont dit qu'elle pouvait bien leurs faire une fellation pour les remercier.

De mon amie Anne-Marie, qui s'est prise une gifle en pleine rue par son ex parce qu'il lui avait prêté la cassette audio du film Dick Tracy et qu'elle ne lui avait pas encore rendu.

De mon amie Irène qui devait s'assoire sur les genoux de son père et se frotter contre lui pendant que maman s'occupait du dîner dans la cuisine.

De mon amie Julia, qui s'est prise un coup de poing dans la figure parce que son compagnon n'a pas apprécié qu'elle se rendorme alors qu'il l'a réveillait à deux heures du matin pour lui raconter pourquoi il était un grand artiste.

De mon amie Deborah dont le compagnon en avait marre de se creuser la tête et d' inventer des mensonges pour la tromper, et qui s'est dit au cours de la soirée qu'il organisait pour son anniversaire, que c'était plus simple de la traiter d'allumeuse et de la mettre dehors à grand coup de pied dans le derrière pour être tranquille.

De mon amie Élodie qui devait tout accepter de son petit ami parce que selon lui, elle devait être reconnaissante qu'il s'intéresse à elle alors qu'elle était grosse et moche.

De mon amie Nathalie qui s'est faite coincée dans les toilettes d'une boite de nuit par trois touristes qui lui ont baissé son pantalon et soulevé son T-shirt et pris en photo avec leurs téléphones portables, parce qu'ils voulaient un souvenir de Paris.

De mon amie Marie-Agnès dont le petit ami lui confisquait son argent de poche parce qu'elle était trop bête pour savoir comment s'en servir.

Et enfin, mon histoire, celle où mon ex n'a pas su encaisser la rupture et qui m'a harcelé, menacé de mort et craché dessus.

7 commentaires:

Sihaya a dit…

Pfiou, que dire? Que je comprends mieux ta compassion dans les commentaires de mon article... J'ai de la colère pour ce qu'ont subi ces femmes et ce que certaines continuent de subir encore aujourd'hui.

Au fond, nous devrions rester ces petites filles qui plaquaient les petits garçons méchants au sol à la récré comme tu le faisais. Ouais, je l'ai fait aussi. Que s'est-il passé? Une estime de soi étiolée au fil des épreuves... certes, mais aussi et surtout une société qui n'accepte pas toujours qu'une femme puisse se défendre et marquer ses positions avec autant d'affirmation. Et oui, une maman qui ne nous apprend pas toujours à nous aimer comme il se doit parce qu'elles-mêmes en ont souffert...

Et celles que je connais qui persistent à le faire mais qui sont rares, avec le recul, sont bien heureuses de l'avoir fait. Je pense que leur exemple est à suivre puisque certains hommes ne sont pas prêts de changer par eux-mêmes...

Voici l'article de l'une de ces femmes féministes qui savent s'affirmer (dans son cas, disons-le, la mère et la grand-mère ont été d'excellents exemples pour elle):
http://ladiesroom.fr/2007/10/22/le-feminisme-un-tabou/

A nous de faire passer le bon message à nos filles et surtout, à leur apprendre à s'aimer! :-)

Anonyme a dit…

Je voulais te remercier pour ce blog, que je trouve passionnant et pertinent. Enfin un endroit où on traite, avec intelligence et arguments cultivés, du sort réservé à la femme dans notre société.
Pour ma part je sais que j'ai l'énorme défaut (pour certains) de toujours voir les choses à travers le prisme du féminisme (je suis étudiante en Lettres et bien souvent c'est l'aspect sociologique concernant les droits de la femme qui m'intéresse dans un texte), et je sais très bien que s'il n'y a que ça qui m'intéresse, c'est parce qu'il n'y a que ça qui soit encore totalement nécessaire (et je te rejoins concernant l'analogie faite entre les discriminations raciales ou homophobes et la discrimination sexuelle... tout relève du même idéal, du même inconscient collectif : un monde où la femme blanche est une mère ou une pute, et doit toujours choisir sa place, et ne surtout pas se passer des hommes - la femme noire quant à elle est vue comme un animal, et la lesbienne n'en parlons pas !)...
Je suis désolée pour ce que tu racontes, concernant les violences que tu as pu subir. Tu as l'air de t'en être sortie, donc je te souhaite plein de bonheur, et surtout continue à écrire !

Madelaine a dit…

@ Sihaya: Merci pour le lien, j'ai lu l'article, il est formidable! Elle a une analyse tout à fait juste, "Etre Féministe aujourd’hui, c’est avant tout être Humaniste." c'est tout à fait dans ce sens que je conçois mon engagement.
S'affirmer, ne jamais rien lâcher et continuer son chemin.

Madelaine a dit…

@ Tristana: Je te remercie pour ton soutien qui me va droit au coeur et a considérablement embelli ma fin de journée. Je suis heureuse de voir que le feminisme a encore un sens pour de filles comme toi ou Sihaya (et bien d'autre encore!! je l'espere!!)

Anonyme a dit…

Comme dit Sihaya: Pfiou...J'en ai les larmes aux yeux...Et je ferai attention d'apprendre à ma fille à s'aimer et à se faire respecter. Car jamais je ne voudrais qu'elle ne fasse partie de ces histoires!

Madelaine a dit…

l'education, c'est la clef...
Merci TBS, de venir aussi souvent sur mon Blog

Anonyme a dit…

Je me demande si les parents pas forcément matures,n'auraient pas intéret a garder pour eux leur èsclavagisme maso dont ils se font les porteurs joyeux ?
Mais souvent des tyrans féroces envèrs leurs enfants ?A