Voici un texte de Jérome ( c'etait le garçon dont la superbe photo prise pendant la marche illustrait parfaitement bien mon article mais qui m'a supplié de la supprimer parce qu'il n'etait pas assez beau dessus, donc désolée pour toi mais tu ne verras pas sa tête) qui m'a gentiment autorisé à le publier sur mon blog (vous pouvez aussi le lire là: http://www.holala.ch/culture/661.html) :
Cela doit bien faire six ou sept années que je ne me suis pas rendu à cette marche... "Marche des fiertés" parce que "gay pride" est un label déposé... Déjà, ça me fait sourire...
Je me souviens la première fois; j'avais 17 ans, plein d'énergie, je portais le t-shirt officiel (et forcément moulant) de la gay pride. Quitte à vous faire sourire, j'avoue tout, je portais aussi une espèce de treillis violet et des baskets orange fluos... J'étais visiblement plus dans l'idée d'un "droit à la différence" qu'à l'indifférence.
Je pense que je devais cette allure au silence, et au secret, que j'avais enfermé des années d'enfance durant, dans ma petite coquille gay. L'homosexualité n'était qu'ailleurs dans mon proche entourage,aussi comment aurai-je pris avec mesure conscience de moi-même, dans un monde où ce que j'étais n'existait pas. L'année précédente, je me souviens; le téléviseur annonce, pour son 13h, la gay pride du lendemain. La télé sature alors en couleur, on y voit des choses informes qui dansent sur des chars, des voix aux manières serpentines qui des graves aux aigus suivent un chemin improbable, et des miliers de gestes lancés avec emphase devant les caméras ébahies. Toujours est-il que je suis à table en famille... Croyez bien qu'à ce moment là, ces images n'arrangent pas mes affaires. Comment pourrais-je leur faire croire que je suis normal quand la seule image qui peut leur parvenir est cette selection de clichés? A cette seconde, je déteste la gay pride faute de pouvoir me dire que les médias chosissent ce qui arrangent leur audimat.
Pourtant un an plus tard, j'y suis. Avec, comme je l'ai dit, la tenue de rigueur... Mais je ne suis pas là pour faire la fête... J'ai enfin cette conscience qui me faisait défaut, je me sens normal et je constate que mes droits ne sont pas respectés... Parce qu'en lecture et en mots je me suis fait mal à fréquenter les explications sur ma pseudo "déviance" et à entendre les quolibets d'excellences: "sale pédé" et "enculé". Alors ce jour là, je suis à la gay pride parce que je veux sentir que je ne suis pas seul et parce que mon âme est devenue celle d'un militant. J'y suis parce que je crois au changement et que je veux donner de l'energie et du temps à la lutte pour la reconnaissance de mon droit à vivre comme n'importe qui d'autre.
Les années ont passé. Mes vêtements on gagné en sobriété. J'ai du faire une ou deux gay pride de plus puis j'ai cessé d'y aller. Sauf quelques groupes profondément investis du sens de cette marche, je n'ai vu qu'une accumulation d'inconsciences festives. J'ai vu cette commémoration devenir une fanfare orchestrée par les intérets commerciaux de telle ou telle enseigne. Je me suis éloigné peu à peu de cet évènement. N'ayant aucune fierté pas plus que de honte à préfèrer les gens de mon sexe au sexe opposé, j'ai aussi trouvé son nom décalé par rapport au sens que je voulais trouver dans cette marche.
Ces quelques dernières années, j'ai regardé du coin de l'oeil comment ce rassemblement comémoratif évoluait... Ben je suis certain que 90% des participants ignorent ce qu'ils commémorent(*voir note en bas d'article pour ceux qui veulent savoir). Je pense aussi qu'au moins la moitié des participants et la quasi majorité des pseudos gay friendly sont surtout content d'aller danser la tete collée dans des enceintes "techtoniques" et/ou de saisir cette journée comme prétexte à leur démesure. Et bien pourtant: aujourd'hui j'y retourne!
J'y retourne parce que j'ai manqué à mon "devoir" ces dernières années, parce que je n'aurai pas du lâcher ceux qui marchent avec conscience, ceux qui militent entre les chars multicolores, ceux qui entre les boîtes à rhytme essaient de passer des messages, ceux qui font que la situation progresse ailleurs dans le monde. J'y vais parce que demain dans cette marche, je ressemblerai un peu à celui que gamin de 16 ans, j'aurai voulu voir à 13h devant le télévioseur. J'y vais en pensant à lui et à ceux d'aujourd'hui qui lui ressemblent.
*Nuit du 27 au 28 juin 1969. A NY, dans un bar homosexuel de Greenwitch (The Stonewall), la police est accueillie à coup de briques. Cet évènement est commémoré depuis à travers le monde à l'occasion d'une gay pride annuelle.
3 commentaires:
Beau texte, et surtout merci de rappeler pourquoi la Gay Pride existe, la fierté pas d'être gay ou pédé ou gouine, mais de ne pas baisser la tête !
Hier, c'était ma 27ème ou 28ème gay pride, et je n'en ai pas manqué une depuis. J'ai vu les gay prides militantes du début, puis triomphantes des années mitterrand, puis commerciales et tristes, mais aussi envahies d'Act-Up et des morts du sida. Aujourd'hui, elles sont moins commerciales, un peu plus militantes peut-être, mais plus conviviales et tout simplement de grandes fêtes militantes et de partage.
Alors, il ne faut pas bouder son plaisir, et surtout ne jamais oublier que même si elles choquent, face à la répression, les folles sont aussi nos soeurs ;-)
j'ai bien aimé cet article. je ne suis pas homosexuelle en particulier (je suis rien du tout), je suis sur Paris j'ai déjà vu la gay pride ou marche des fiertés et pour moi il y avait ce sentiment mélangé, la question du "montré festif", d'éventuelles récupérations par des enseignes. En tant que femme et féministe, ça m'énerve que FG vende des cd avec des couv qui exploitent au fond le sexisme (je trouve), pareil pour les pubs qui passent sur FG, radio que j'écoutais souvent car j'aime la techno. bref ... mais d'un autre côté pour la GP ça permet aux questions homosexelles de passer dans le débat, dans les questions habituelles qu'on peut discuter sans tabou, ça permet d'en parler avec les enfants, ses enfants, donc c'est une bonne chose. L'aspect festif permet de dédramatiser. Ce qui me gênait dans l'aspect festif c'était par rapport aux yeux des gens qui se méfient, des gens pas homophobes mais craintifs, mal informés, je pensais : lorsqu'il vont voir les mecs et les chars, la musique à fond, les maquillages, etc. ... ils vont avoir encore + d'a-priori contre la parentalité homosexuelle ... voilà quel était mon ressenti.
"Supplié", n'est-ce pas un peu excessif :)
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