vendredi 31 octobre 2008

Le livre du mois d'octobre 2008

Les Sept Filles d'Eve, génétique et histoire de nos origines de Bryan Sykes

Quand Bryan Sykes et son équipe sont parvenus a daté le corps de L'Homme des glaces découvert en 1991 dans les Alpes Italiennes, ils n'ont pas seulement réussi l'exploit d'extraire de l'ADN vieux de 5000 ans des os de ce pauvre homme congelé, ils ont eu aussi la brillante idée de la comparer avec de l'ADN d'une de nos contemporaines.
Ils vont trouver un patrimoine génétique commun entre l'inconnu mort dans les Alpes et une écossaise, preuve qu'ils ont eu par le passé une parente en commun.

L'intuition de Bryan Sykes est qu'il pourra faire de même avec les populations vivantes, retracer les liens de parenté qui nous unissent, prouver que notre patrimoine génétique tire sa source d'un individu ayant vécu il y a -150 000 ans sur le continent Africain et expliquer l' évolution et les migrations des populations à partir de ce continent, mettant ainsi à mal les théories régionalistes qui niaient nos origines communes et supposaient que chaque population s'était développée distinctement des autres.

Il arrivera également à prouver que l'homme de Neandertal est bien issu d'une espèce différente de la notre qui s'est depuis éteinte.

Les recherches de Bryan Sykes repose sur l'ADN mitochondriale, présente dans le cytoplasme de la cellule (contrairement à l'ADN qui se trouve dans le noyau), elle ne contient aucune séquence répétée, ne subit que très peu de mutation et est uniquement transmise par la mère.
Il distinguera sept femmes, toutes à l'origine de la quasi totalité des populations d' Europe à qui il donnera les noms suivant: Ursula, Xénia, Héléna, Velda, Tara, Katerine et Jasmine.

Ursula est née il y a quarante cinq mille ans au pied de l'actuel Parnasse, non loin de l'antique site de Delphes. Elle est l'ancêtre directe d'environ 11% des Européens modernes. Si sa descendance est présente dans l'Europe entière, elle est particulièrement bien représentée dans l'ouest de la Grande Bretagne et en Scandinavie.

Xénia a vécu il y a vingt-cinq mille ans dans ce qui était à l'époque les grandes plaines de l'Europe centrale. Elle est la mère de 6% des Européens modernes (et 1% des amérindiens). On retrouve ses descendants encore largement confinés en Europe de l'est et d'autres en France ou en Grande Bretagne.

Héléna est née il y a vingt mille ans, à l'époque la plus rigoureuse du dernier Âge glaciaire. Ses descendants se sont implantés dans toutes l'Europe puisqu'elle est la mère de 47% des Européens modernes.

Velda a vécu il y a dix-sept mille ans dans le nord de l'Espagne, dans les monts Cantabriques, à quelques kilomètres derrière l'actuel port de Santander. Aujourd'hui 5% des européens appartiennent à sa descendance, plus nombreux en Europe de l'est qu'à l'ouest. On retrouve certain de ses héritiers à l'extrême pointe de la Scandinavie parmi les Saami, en Finlande et dans le Nord de la Norvège.

Tara a sensiblement vécu à la même époque que Velda, il y a dix-sept mille ans, dans les collines de Toscane au nord ouest de l'Italie. Elle est à l'origine de 9% des Européens, la plupart concentré autour de la méditerranée et dans l'ouest de l'Europe. Ils sont aussi particulièrement nombreux dans l'ouest de la Grande Bretagne et en Irlande.

Katerine est née il y a quinze mille ans au alentour de Venise, à l'époque où la mer adriatique était à plus de cent cinquante kilomètres de là. Sa descendance représente 6% des Européens et sont concentrés au nord de l'Italie et autour de la méditerranée.

Jasmine est née il y a treize mille ans dans l'actuelle Syrie, à mille cinq cent mètres de l'Euphrate. Un peu moins de 17% des Européens sont ses descendants. A la différence des six autres, les descendants de Jasmine ne sont pas également répartis à travers l'Europe. Une branche suit la côte méditerranéenne jusqu'à l'Espagne et au Portugal et jusqu'à l'ouest de la Grande Bretagne. Elle est particulièrement répandue dans les Cornouailles, le pays de Galles et l'ouest de l'Écosse. Une autre branche est présente en Europe centrale et dans les plaines de l'Europe du Nord.

Cette démarche a été appliquée au reste du monde et vingt six autres clans ont pu être identifié. Tous les clans convergent vers une seule aïeule d'origine Africaine, baptisée "Ève mitochondriale". Elle est l'ancêtre maternelle de toutes les ancêtres maternelles de chacun des sept milliards d'habitants de la planète.

Cette découverte prive l'idée même de race de toute base biologique. Nous sommes tous le fruit d'un brassage, nous sommes tous apparentés. Chaque gène par un voyage différent, nous ramène tous à un ancêtre commun.

mercredi 29 octobre 2008

Aurais-tu préféré que ce soit justement?*


"Un esprit noble "engrandit" le plus petit des Hommes" Jebediah Springfield**


L'Histoire compte beaucoup de martyrs, de kamikazes plus ou moins conscients de leurs sorts et d'un nombre considérable de personnes mortes ou emprisonnées pour une idéologie, une nation ou une religion.

Mais certaines d'entre elles sont remarquables pour ne pas s'être dérobées à leurs condamnations à mort alors qu'elles en avaient l'occasion et d'être restées loyales jusqu'au bout à leur principe. C'est le cas de Marie Gouze dite Olympe De Gouges.

Quasiment inconnue des livres d'Histoire et des programmes de littérature, Olympe de Gouges était pourtant une grande figure de la révolution française dont le combat politique et humaniste a été tragiquement interrompue par le couperet de la guillotine le 3 novembre 1793.

Sa vie est assez originale, née à Montauban dans une région où on parlait encore à l'époque un mélange de vieux français et d'occitan, elle savait dans sa jeunesse à peine lire et écrire. Elle deviendra néanmoins une grande femme de lettres, auteure de dix sept pièces de théâtre et de plus d'une cinquantaine d'écrits politiques. Consciente de son peu de disposition à l'écriture, elle préférait dicter ses pensées à un secrétaire et était capable de concevoir et de terminer une pièce en une nuit.

Avant-gardiste dans ses choix de vie, elle s'est retrouvée veuve à dix huit ans et refusa de s'enfermer dans une vie domestique et de se remarier.
Souvent perçue ou réduite à une simple courtisane, elle fut pourtant la première de son temps à militer pour l'abolition de l'esclavage (réflexion sur les hommes noirs, 1788) et pour le droit des femmes (déclaration des droits de la femme et de la citoyenne 1791). Honnête et spontanée elle a systématiquement assumée et revendiquée ses idées y compris dans les moments où elles n’étaient pas bien vues.

Ainsi en 1792, elle se propose de défendre Louis XVI lors de son procès, considérant que « le sang même des coupables, versé avec cruauté et profusion souille éternellement les Révolutions ». Sa candidature est bien sure rejetée et attire sur elle le mépris des révolutionnaires.

En 1793, la révolution prend un nouveau tournant, plus radical envers ses opposants et beaucoup d'amis d'Olympe de Gouges se font arrêtés. Elle décide de contre attaquer en publiant les Trois Urnes, (pamphlet où elle dénonce la dictature et le régime de Terreur que Robespierre met en place) non sans avoir écrit avant son testament politique où elle annonce: « j’ai tout prévu, je sais que ma mort est inévitable ». Elle est effectivement arrêtée et incarcérée le 20 juillet de la même année à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés puis à la prison du Chemin Vert où la liberté offerte à ses occupants leurs laissaient la possibilité de s’évader. Elle écrit d’ailleurs à ce sujet à son fils: « j’ai été libre comme chez moi. J’aurais pu m’évader; mes ennemis et mes bourreaux ne l’ignorent pas. Mais convaincue que toute la malveillance réunie pour me perdre ne pourrait parvenir à me reprocher une seule démarche contre la Révolution, j’ai moi-même demandé mon jugement ».

Le tribunal révolutionnaire va la condamner à mort, pour avoir été trop proche des Girondins et d’être une femme qui s’occupe de politique.
Ils vont se servir de son exécution pour prévenir les autres femmes qui pouvaient avoir quelques ambitions de rester à « leur » place. Dans un journal, La Feuille du Salut Public du 17 novembre 1793, ils préviennent: « Olympe de Gouges, née avec une imagination exaltée, prit son délire pour une inspiration de la nature. Elle commença par déraisonner et finit par adopter le projet des perfides qui voulaient diviser la France: elle voulût être homme d’état et il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe »

Le jour de son exécution, Olympe de Gouges a prononcé ces dernières paroles: « Enfants de la patrie, vous vengerez ma mort » témoignage de sa foi inouï en l’être humain, convaincue de la légitimité de son combat et de sa victoire prochaine.

Il est triste de constater que la pauvre Marie-Olympe de Gouges est loin très loin d’être « vengée ».

* phrase de Socrate à Xanthippe qui n'acceptait pas la condamnation à mort de Socrate
* *Le vrai faux héro, 16ème épisode de la saison 7 des Simpson

lundi 27 octobre 2008

t'es toujours vivante non?

Voici des chiffres un peu vieux puisqu'ils datent de 1996 (mais je n'en ai pas trouvé de plus récent) sur le nombre de plaintes pour viol dans notre si beau pays:

Selon les statistiques du ministère de l'intérieur sur 7191 plaintes pour viol, il y a eu 1238 condamnations, soit 17,2%. Ce qui veut dire que 83,8 % des plaintes n'ont pas été suivies de condamnation.

Dans 83,8% des cas, le ou les agresseur(s) s'en sont sortis sans avoir à répondre de leurs actes.
Bien sur on peut considérer que sur ces 7191 plaintes, certaines ne devaient pas être justifiées, mais 83,8% me semble un chiffre assez irréel pour que cette explication suffise.


Si on prend en compte que seul 1 viol sur 4 fait l'objet d'une plainte (selon les actes des Assisses nationales contre les violences envers les femmes, 2001), on arrive à peine à prendre la mesure du nombre d'agresseurs qui s'en sortent, sans se soucier de leur crime, libre et confiant.


Quand j'ai voulu porter plainte pour harcèlement, menaces de mort et agression physique légère contre mon ex, le policier m'a gentiment confié qu'il valait mieux renoncer, que la plainte serait sûrement classée sans suite (ce qui a d'ailleurs été le cas) ou n'aboutirait pas à un condamnation et que cela risquerait de donner à mon psychopathe d'ex un sentiment d'impunité qui ne pourrait que l'encourager à recommencer.


Selon lui, mieux valait le menacer de porter plainte mais de ne pas le faire vraiment, car il n'y a rien de plus encourageant qu'une plainte qui ne sert à rien. Si la justice ne peut rien faire pour toi, autant ne pas faire appel à elle.


J'avais néanmoins les moyens de prouver mes dires (sms, témoins auxquels il faut ajouter les antécédents du psychopathe en question) je ne me suis pas présentée avec ma seule parole.
Pour que la justice se bouge m'a t-il dit, il faut que l'affaire soit grave (comme mourir dans d'affreuses souffrances ou être assez riche pour se payer un bon avocat). Autant dire que mes anciennes histoires de "fesses" (dixit le policier) n'étaient pas assez importante pour motiver le procureur de la république à poursuivre mon agresseur.

Si on considère les paroles de ce policier et les chiffres du ministère de l'intérieur, il faut croire que cela doit souvent être le cas pour les affaires de viols (sans parler des "simples" agressions sexuelles). Mais bon comme il me l'a fait remarquer, je suis toujours vivante non?

dimanche 26 octobre 2008

La gourmandise est le peché des moines vertueux

En preparant un petit texte sur la gourmandise je suis tombée sur un poème de Paul Scarron dont voici le passage que je prefère:

Quand on se gorge d'un potage
Succulent comme un consommé,
Si notre corps en est charmé,
Notre âme l'est bien d'avantage.
Aussi satan, le faux glouton,
Pour tenter la femme première,
N'alla pas lui montrer du vin ou de la bière,
Mais de quoi branler le menton.

extrait de "Chanson à manger" Paul Scarron (1610-1660)

vendredi 24 octobre 2008

Identité Nationale

Quand on est fille ou fils d’immigré le concept d’identité nationale est un peu confus, sous entend l’affirmation volontaire d’une appartenance à une nation ce qui est loin d’être évident pour nous.
Il faut savoir que la plupart du temps, c’est l’autre qui tranche à votre place, vous range d’un côté ou de l’autre de la frontière comme s’il était vraiment important de choisir son « camp » pour pouvoir vivre normalement dans un pays.

Je suis d’origine portugaise et dans le pays de mes parents je suis vue comme une française alors qu’en France je suis et reste encore, une étrangère. C’est, je pense, la réalité de chaque enfant issu de l’immigration. Dès le départ les autres savent mieux que nous qui nous sommes.

Aucun enfant né en France mais de parents immigrés peut avoir le sentiment d’être français. Notre statut administratif reste compliqué tant que nous n’avons pas 18 ans (âge où la nationalité française est donnée d‘office…mais pas à mon époque, merci la loi Pasqua que je ne digère toujours pas d‘ailleurs). Avant notre majorité nous sommes une sorte de sans papiers à la nationalité indéfinie, pas encore français mais sur le point de le devenir, pas vraiment étranger puisqu’on est né ici. Mis de côté administrativement parlant, il nous est impossible de nous reconnaître en tant que français, ni en tant que quelque chose d’autre d’ailleurs. On apprend à grandir sans.

En dehors des méandres de la procédure administrative, il y a le regard des autres, ceux qui d’une façon complètement anodine et le plus souvent amical vous demandent avec un large sourire: de quelle nationalité es tu? Une question qui aurait pu rester banale si elle n’était pas systématique à chaque nouvelle rencontre, et confirme toujours un peu plus qu’il est impossible pour les autres de me voir comme une française, issue de l’immigration peut être mais française avant tout.

Dans ces conditions, il arrive toujours un moment dans la vie de l’enfant d’immigré où il va se tourner vers le pays de ses parents, un peu par curiosité, parfois même par dépit, pour savoir finalement de quel bord il est étant donné que ça intéresse si souvent les autres. On apprend l’histoire du pays, on améliore la pratique de la langue mais on ne s’imagine pas une seule seconde aller vivre la bas. Au-delà de mon faciès extrêmement typé et de mon nom de famille, y a t il quelque chose d’autre de portugais chez moi? Plus je me pose la question, plus la question perd de son sens. Je ne peux pas revendiquer une nationalité, c’est un concept qui ne me concerne pas.

Mal à l’aise d’un côté comme de l’autre, on se sent finalement apatride, on repense les frontières comme une cicatrice de l’Histoire, quelque chose qui dépasse l’individu et qui sera toujours plus fort que lui. Le sentiment national devient le “problème” des autres, leur façon à eux de voir les choses. Je me sens ni française, ni portugaise et encore moins un mélange des deux.
Si on me demande aujourd’hui d’où je viens, je réponds du coin de la rue, comme ça tout est dit.

dimanche 19 octobre 2008

Derrière le voile

Raphaël, La femme voilée

Il faut savoir prendre le temps de la réflexion. Reconnaître qu’on est allé trop vite, écouter et prendre du recul. Reconnaître aussi ses erreurs de jugement et les rattraper le mieux possible. C’est le sentiment que j’ai eu sur mon billet « En basket et en Hijab ».

Je n’avais pas accepté la présence d’une femme voilée dans un club de gym. J’avais comme un bon nombre de mes concitoyennes un avis plus que défavorable sur le Hijab. Avant d’être la marque d’une appartenance religieuse je le voyais surtout comme l’acceptation d’une place à part de la femme, stigmate de sa soumission. La jeune femme qui était venue faire du sport voilée présentait pour moi des signes évident de schizophrénie, une sorte de soumission librement consentie. Pourquoi venir faire du sport, transpirer pour perdre du poids, avoir la meilleure image possible de soi si c’est pour laisser les autres vous imposer la règle de vous cacher. Puisque le voile n’est réservé qu’aux femmes, il marque le genre, son genre et contribue à la ségrégation et à l’iniquité.


Et puis je me suis imaginée cette même jeune femme voilée venir chez moi, ouvrir les placards de mon appartement et me montrer du doigt mes chaussures à talon et mes sacs à main et me dire: Et ça qu’est-ce que c’est selon toi ? Si je me regarde de loin dans un miroir je ne vois qu’une femme dans la plus pure acceptation de son genre: des cheveux longs, un regard souligné par de l’eye liner, un manteau serré à la taille, un jean coupe « fille » et mes fameuses chaussures à talon.

J’avais depuis longtemps accepté ce paradoxe pour les femmes occidentales, considérant qu’on ne pouvait pas tout effacer (son éducation et son identité) en un coup de baguette magique, qu’un long chemin restait à parcourir et que l’état d’esprit prévalait sur sa propre représentation.

Pourquoi ne pas avoir tenu le même raisonnement pour la jeune femme voilée? Le voile ne reste qu’un accessoire en tissu parmi tant d’autres à la disposition des femmes et si on veut bien sortir de l’image tristement émouvante de la jeune fille voilée de force, il me parait plus raisonnable de considérer le port du Hijab comme un choix personnel. Est-ce un réflexe pathétiquement ethnocentriste de ne pas accepter ce qui est loin de sa propre culture? Pourtant je n’ai pas le même regard critique sur le traditionnel sari des femmes indiennes qui parfois ont aussi un voile sur la tête.

Ma réaction répond tout simplement à un sentiment d‘islamophobie générale. En d’autres termes, je n’ai pas toléré cette jeune femme voilée parce qu’il est largement sous entendu dans nos sociétés que l’islam est une religion archaïque, violente, dangereuse et misogyne. C’est-ce discours insidieux que j’ai assimilé comme la stricte vérité et qui s’est exprimé face à cette jeune femme.


Je regrette sincèrement mon attitude. Je ne partage pas ce point de vue.

Il ne faut pas qu’une cause légitime et universelle comme le droit des femmes serve à taper sur une communauté religieuse et soit utilisée comme une bonne excuse pour condamner l‘autre. La misogynie n’est pas l’expression d’un sentiment religieux quel que soit la religion en question. Elle est avant tout un fait, un comportement qui concerne tout le monde.